Vous êtes en date, les choses se passent bien, le repas est bon, puis vient la question fatidique : allons-nous nous revoir ? Mais aussi : qui va payer l’addition ce soir ? Le spécialiste des règles de bienséance, Kevin Strubbe, vient à votre rescousse…
Les humains sont sur la terre depuis plusieurs centaines de milliers d’années et pourtant le date, ou rendez-vous galant, est un phénomène relativement récent. Le premier rendez-vous de votre (arrière-)grand-père a sans doute eu lieu dans la maison de votre (arrière-)grand-mère, afin que les parents puissent garder la situation à l’œil. On a vu plus d’un beau-père suivre son fils ou sa fille en discothèque pour surveiller ses faits et gestes.
Après la Première Guerre mondiale, sortir au restaurant ou aller au cinéma est devenu chose courante. Mais à l’époque, on estimait encore que l’homme endossait le rôle de soutien de famille tandis que la femme s’occupait des tâches ménagères. Il était donc normal que l’homme offre le repas à sa bien-aimée.
Aujourd’hui, les choses ont changé. Les femmes sont plus indépendantes que jamais sur le plan économique et se sentent parfois mal à l’aise quand l'autre personne prend l’addition à sa charge (surtout si elle insiste pour le faire). « L’étiquette évolue. Il n’est plus obligatoire que quelqu'un règle la douloureuse lors du premier rendez-vous, même si les vrais gentlemen se proposeront toujours de le faire, sans insister », explique le spécialiste des règles de bienséance Kevin Strubbe.
Outre l’aspect économique, les tourtereaux partagent généralement la facture pour d’autres raisons. « Au fil du temps, l’égalité est devenue une réalité. La perception sociale a également évolué : les femmes sont autonomes et il est normal qu’elles souhaitent le montrer. Enfin, l’apparition des technologies telles que les applications de paiement facilite le décompte de la part de chacun. »
Les rapports traditionnels homme-femme ne s’appliquent que peu, voire pas du tout, aux personnes de la communauté LGBTQ+. « Dans ce cas, on cherche simplement la meilleure forme de savoir-vivre », poursuit Kevin Strubbe. « Pour souligner l’égalité, on choisit généralement de partager l'addition et chacun paye sa part. Il existe d’ailleurs un terme spécifique pour désigner le partage de la facture : on parle de « Dutch date » ou de « Dutch treat ». Pourtant, cette habitude est loin d’être typiquement néerlandaise. Dans les pays scandinaves aussi, le partage de l’addition est une évidence depuis un certain temps déjà. »
L’époque où nous ne sortions qu’avec des personnes vivant dans le même village est révolue depuis longtemps. Mais comment faire lorsqu’une personne de Belgique a rendez-vous avec un Brésilien, un Japonais, un Canadien, un Togolais ou un Bulgare ?
« En tant que Belges, nous possédons le grand avantage de nous adapter assez facilement à d’autres cultures et d’autres langues. Si notre petit pays veut faire la différence, il est important de s’accrocher à son identité tout en restant flexible. Il en va de même pour les dates », explique Kevin. « Bien entendu, cette réflexion s’étend au-delà du paiement de l’addition, par exemple lors de l’accueil de l’autre. Dans certains endroits, la rencontre s’accompagne d’un sourire, ailleurs on se serre la main, ailleurs encore on s’embrasse sur la joue une, deux, trois ou même quatre fois. »
« Si vous avez un date en Belgique, nous partons du principe que votre éventuel futur partenaire respectera les habitudes communes à l’endroit. Quoi qu’il en soit, il est essentiel de communiquer. Proposer d’emblée un « Dutch date » évite les situations inconfortables et chacun sait clairement à quoi s’en tenir. »
Si autrefois, on partait du principe que la courtoisie était l’initiative de l’homme, nous avons évolué vers l’égalité homme/femme, homme/homme, femme/femme, etc. Si l’addition n’est pas partagée lors d’un premier rendez-vous, on peut considérer que c’est l’aîné qui prendra l’initiative de payer l’addition dans son intégralité. Une fois encore, ce choix est lié à l’aspect économique, car on part du principe que le plus âgé est un peu plus confortable financièrement.
« Cependant, l’étiquette moderne est beaucoup moins basée sur des « suppositions » et se concentre heureusement davantage sur l’inclusion. Par exemple, une jeune personne qui vit encore chez ses parents peut parfaitement être en mesure de se faire plaisir, tandis qu’une personne plus âgée peut sortir d’un divorce, ce qui rend sa situation financière plus difficile et moins propice aux dépenses de loisirs », nuance Kevin.
« Alors disons-le très simplement : si aucun accord n’est conclu au préalable et qu’aucun des deux ne prend l’initiative ou n’insiste pour payer la facture, celle-ci sera automatiquement partagée. »
« Pour ma part, je trouve qu’il est très agréable de « pouvoir » payer l’addition lors d’un premier rendez-vous », répond Kevin Strubbe en souriant. « Pourtant, on constate de plus en plus que rares sont les personnes qui apprécient encore d’être invitées. »
Même si, dans sa vie privée, Kevin suggère de partager l’addition lors d’un premier rendez-vous, il privilégie le partage des frais d’une manière générale. « Ainsi, le voisin ou la voisine de table ne ressent aucune pression. Dire : je règle volontiers l’addition, la prochaine fois ce sera toi ... c’est déjà mettre une certaine pression sur l’avenir. Hormis coup de foudre immédiat, on ne prend pas encore de deuxième rendez-vous le premier soir. Mieux vaut d’abord donner à l’autre personne une chance de réfléchir et de savoir s’il y a un feeling. »
Votre date s’est très bien passé ? Personne, pas même l’étiquette, ne peut ni ne doit dicter qui paiera l’addition des prochains repas. Ce choix très personnel dépend de plusieurs facteurs : vos revenus, votre idée de l’équité, la relation avec votre date, le choix de l’activité… N’hésitez pas à communiquer en toute transparence sur le sujet et n’attendez pas trop longtemps pour l’aborder.
Kevin Strubbe a débuté sa carrière en tant que majordome du prince héritier, devenu aujourd’hui le roi Philippe. Il a travaillé comme manager pour des hôtels de Belgique et de l’étranger, a dirigé plusieurs établissements dans l’horeca et occupe le poste de directeur chez Hospitality Creators depuis 2005.
Au fil des années, il a dispensé toutes sortes de formations à la clientèle et à l’accueil pour des secteurs tels que l’horeca et le tourisme, mais aussi des banques, des casinos, des maisons de soin, des entreprises de sécurité et bien d’autres encore.
Passionné d’étiquette et d’accueil, Kevin est régulièrement invité à intervenir dans des émissions de télévision et de radio. Il a d’ailleurs publié trois ouvrages à ce sujet : L’Étiquette est à la mode, L’Étiquette à l’étranger et L’Étiquette moderne de la table. Il rédige en ce moment un quatrième ouvrage intitulé « The Gentleman 2.0 ».
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